Le titre de cet article se veut un modeste hommage au film éponyme d’Agnès JAOUI. Primé aux Césars et porté par un Jean-Pierre BACRI au sommet de son art, Le goût des autres illustre avec maestria la difficulté qu’éprouve l’être humain à prendre en considération les désirs d’autrui. Cela vous surprendra peut-être, mais l’on retrouve cette thématique dans le coaching sportif. En effet, il arrive que le principal obstacle à la réalisation d’un objectif ne soit ni physiologique, ni anatomique. Parfois, le problème majeur, c’est les autres.
Le dégoût des autres
Au cours d’un précédent article, j’avais évoqué l’importance de la motivation intrinsèque dans la réussite d’un projet. Si avoir une envie solidement ancrée à l’esprit est un bon début, encore faut-il qu’elle puisse ensuite s’exprimer dans un environnement propice à son développement. Et c’est à ce stade que les personnes qui nous entourent vont exercer une influence déterminante.
Imaginons, par exemple, que vous souhaitiez changer radicalement de mode de vie afin de vous sentir plus en forme. Vous décidez de faire part de vos intentions à vos connaissances les plus proches.
Vous vous exposez alors à 3 grands types de réactions :
- L’encouragement
Votre projet est bien accueilli par votre entourage. C’est le cas de figure idéal, puisque le soutien apporté facilitera la réalisation des objectifs.
- Le désintérêt
Votre projet ne provoque aucune émotion particulière. Vos plans ne sont donc pas contrariés, mais vous ne bénéficierez que d’un appui très modeste.
- Le rejet
C’est le scénario catastrophe. Votre projet n’est ni compris, ni accepté. Face à cette situation, deux possibilités s’offrent à vous : abandonner ou poursuivre en dépit de cet avis défavorable. Si vous décidez malgré tout d’aller au bout de vos idées, votre environnement est susceptible de se retourner contre vous, devenant ainsi une source de stress considérable.
A la lumière de ces réactions, vous m’accorderez que, statistiquement, les chances de réussite d’un projet paraissent bien plus élevées lorsque l’on a son entourage à ses côtés, plutôt que contre soi.
Petits changements, grandes conséquences
Si j’aborde ce sujet, c’est que pendant longtemps, je n’ai accordé aucune considération au contexte social dans lequel évoluaient mes clients. Je ne me préoccupais pas non plus de l’impact affectif que pouvaient occasionner certaines de mes recommandations. Grossières erreurs, qui n’ont pas manqué d’entraîner des situations d’échec. Voici quelques exemples concrets :
Noémie
Noémie souhaitait perdre du poids. Après analyse de sa situation, il s’est avéré que son alimentation était inadaptée à la poursuite de ses objectifs. Mais comme c’est elle qui préparait à la maison les repas pour son mari et ses enfants, le problème semblait insoluble. En effet, ces derniers, plus habitués à la consommation de produits industriels, n’ont que très peu apprécié les changements diététiques proposés. L’entente familiale s’est rapidement dégradée, et il est devenu très compliqué pour Noémie de se tenir à ses bonnes résolutions.
William
Athlète de force, William connaissait une chute de ses performances athlétiques depuis plusieurs mois. Cette dernière paraissait imputable à une diminution de la qualité de son sommeil, diminution consécutive à l’apparition d’une nouvelle compagne dans sa vie, au tempérament insomniaque.
William a bien tenté de dormir seul quelques temps afin de préparer au mieux ses échéances sportives, mais cette séparation nocturne a fini par engendrer de fortes tensions au sein de son couple. Craignant une dégradation de sa relation amoureuse, il a fini par se résoudre à faire l’impasse sur plusieurs compétitions.
Martin
Commercial de profession, Martin souffrait d’un diabète de type 2. Ce type de diabète est parfaitement réversible, mais, pour ce faire, une perte adipeuse importante est fortement suggérée. Hélas, l’environnement professionnel de Martin ne se prêtait guère à l’application de cette recommandation, puisqu’il est d’usage de signer des contrats commerciaux autour de repas festifs, plutôt que devant un plat de brocolis vapeur. La quasi-totalité de ses confrères et de ses interlocuteurs fonctionnant de la sorte, mon client s’est rapidement retrouvé en porte-à-faux. Difficile dans ces conditions de changer sereinement ses habitudes.
Ce sont ces cas de figure, très courants, qui m’amènent finalement à penser que les relations sociales sont une composante essentielle à la réussite de tout projet. A ce titre, dans le cadre d’un coaching sportif, elles devraient faire l’objet d’autant d’attention que les planifications d’entraînements ou les recommandations nutritionnelles.
L’art du compromis
A moins que vous ne viviez seul(e) dans les bois, vous aurez donc à composer avec votre entourage à l’heure de déterminer les contours de votre projet. Bien évidemment, vous pourrez toujours choisir de foncer bille en tête en faisant fi de toute pression extérieure, mais rares sont les personnes capables de s’épanouir en climat hostile.
Alors au final, comment atteindre ses objectifs tout en intégrant cette problématique sociale ?
Chaque cas nécessite une approche individualisée, mais quelques grandes lignes peuvent toutefois être esquissées :
- Adapter le projet au contexte
Avant toute chose, assurez-vous que votre projet soit un peu tant soit peu compatible avec votre environnement. Vous avez un travail prenant, une maison à gérer, trois enfants en bas âge et vous souhaitez vous entraîner 5 fois par semaine ? Pas impossible, mais peu réaliste.
- Evaluer l’impact des changements envisagés
Comme démontré par les exemples cités précédemment, vos décisions sont susceptibles d’impacter les personnes qui vous entourent. Gardez à l’esprit qu’en changeant vos habitudes, vous risquez de changer celles des autres par la même occasion. Etincelles à prévoir…
- Communiquer
Le passage en force et l’absence de communication ont tendance à braquer rapidement l’opinion contre soi. Cherchez plutôt à intégrer les autres dans votre projet en expliquant en quoi il consiste, pourquoi il est important pour vous, quels changements il sous-entend, et surtout à quel point le soutien de votre entourage vous serait précieux.
- Négocier
Si votre entourage fait un pas dans votre direction, acceptez d’en faire de même en retour. Il est fort probable que vous ayez à faire des concessions et qu’il faille revoir vos ambitions initiales à la baisse. Par conséquent, les résultats obtenus ne se seront peut-être pas aussi importants que ceux escomptés, mais le terrain d’entente aura au moins le mérite d’être viable à long terme.
En conclusion, prenez le sujet très au sérieux et ne sous-estimez pas la capacité d’un entourage mécontent à saborder littéralement vos objectifs. La légende veut d’ailleurs que cette déconvenue fut éprouvée en son temps par Jean-Paul SARTRE, qui, lâché par Simone, échoua au concours de Mister Univers ! C’est à cette occasion qu’il aurait prononcé ces mots désormais célèbres :
« L’ENFER, C’EST LES AUTRES »